Fiabilité du DPE: pourquoi les ménages sont aussi fautifs
Un ménage dont le logement devient vertueux après des travaux de rénovation consomme plus d’énergie, ce que le DPE n’anticipe pas, selon le Conseil d’analyse économique.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui estime la consommation énergétique d’un logement s’est mis à dos les propriétaires. Les logements les plus mal notés (F ou G sur le DPE) sont interdits à la location donc le poids du DPE n’est pas négligeable. Tout d’abord, pour un même bien, les diagnostiqueurs attribuent des lettres différentes. Une maison verte à ossature bois labellisée basse consommation dont l’électricité est fournie par des panneaux photovoltaïques s’est vue attribuer l’étiquette B et l’étiquette E, soit trois classes d’écart, selon l’UFC-Que Choisir.
Désormais, c’est au tour du Conseil d’analyse économique (CAE), qui a pour mission d’éclairer le choix du gouvernement en matière économique, de pointer un écart entre la consommation prédite par le DPE et la consommation effective. Un calcul effectué grâce à l’apport des données bancaires anonymisées de plus de 178.000 clients de Crédit Mutuel Alliance Fédérale et du DPE de leur logement. Objectif? Analyser si la consommation anticipée par le DPE était reflétée dans les factures payées par les ménages. «Pour quantifier les économies d’énergie et la décarbonation attendues de la rénovation, la politique publique a besoin de bien estimer deux variables: la consommation théorique du logement, ce que fait le DPE avec un mode de calcul plus fiable depuis 2021 mais qui peut encore être perfectionné, et la consommation réelle des ménages, car lorsque l’étiquette change, les ménages modifient aussi leur comportement de consommation», commente Ariane Salem, coauteur de l’étude et économiste au CAE.
C’est ce qu’on appelle l’«effet rebond». Un ménage qui habite dans un logement performant (étiquette A ou B) va avoir tendance à consommer plus d’énergie que ce qui est prédit par le DPE. Ce qui peut rogner voire annuler le gain de performance énergétique. À l’inverse, dans une passoire thermique, le ménage va sous consommer par souci de sobriété énergétique, la facture étant plus salée. Or, le DPE modélise la consommation théorique et part du principe que la demande de confort thermique est fixe: 19 degrés en hiver, et ce, quelles que soient les caractéristiques du ménage. «En sachant qu’il y a cet ajustement comportemental, il est important d’accompagner les ménages dont le logement a été rénové et de les inciter à ne pas avoir cet effet rebond», recommande Ariane Salem.
Une prédiction moins fiable pour les grandes surfaces
Or, l’ajustement comportemental est «mal mesuré», selon l’économiste au CAE. «On manque de données actualisées et représentatives de la capacité des consommateurs à ajuster leur consommation. Les enquêtes de consommation sur lesquelles s’appuient les projections de demande énergétique du résidentiel datent de 2012, le contexte de prix était différent, plus stable», ajoute Ariane Salem. «De plus, le DPE modélise imparfaitement la consommation théorique du logement. La surface par exemple est un paramètre que le calcul prend mal en compte. Pour les petites surfaces de moins de 30 m², la prédiction du DPE est la plus fiable. Pour les surfaces de plus de 30 m², le niveau de consommation moyen à chaque étiquette est beaucoup moins élevé que la performance théorique», souligne l’économiste. Cela peut être lié au fait que le DPE modélise mal la relation entre surface et besoin thermique des grands logements, mais aussi au fait que le comportement des ménages n’est pas le même, dans une grande surface, on ne chauffe pas les pièces qui ne sont pas des pièces à vivre par exemple.