Squatteur qui demande des dommages et intérêts !
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, un squatteur estime avoir été chassé illégalement du bien qu’il occupait, dans le 9e arrondissement de Lyon. Il a donc décidé d’attaquer en justice le propriétaire du bien qu’il squattait, réclamant même des dommages-intérêts de 5000 €, relate Le Progrès. Le jugement qui a été mis en délibéré, sera rendu le 14 mars. Un squatteur peut-il invoquer une violation de domicile alors qu’il vit dans un logement qui ne lui appartient pas?
Rappelons les faits. En juillet 2021, les squatteurs s’installent dans le bien inoccupé et souscrivent un contrat d’électricité pour pouvoir prouver que ce domicile est le leur. Ils réceptionnent aussi un courrier à cette adresse et changent les serrures pour éviter tout risque d’expulsion immédiate. Les propriétaires portent plainte au commissariat et envoient un mail à la préfecture. Ils saisissent ensuite la justice qui leur donne raison et fixe une date butoir au squatteur pour qu’il quitte l’immeuble, à savoir le 31 mars.
En l’absence de l’occupant illégal, fin janvier, les propriétaires du bien décident de condamner la porte de l’immeuble et son accès est désormais surveillé par une société de sécurité. Le squatteur ne peut donc plus rentrer dans ce qu’il estime être son domicile. «Dans le cadre d’une occupation illégale, qu’on appelle sans droit ni titre plus exactement, c’est précisément parce qu’on considère que c’est le domicile, le logement des occupants sans droit ni titre, qu’il y a une procédure judiciaire à respecter et que le propriétaire saisit le juge des contentieux de la protection pour voir ordonner l’expulsion des habitants», souligne Maître Florence Alligier, l’avocate du squatteur, lors de l’audience, dans une vidéo filmée par BFM Lyon. De son côté, la propriétaire affirme que le bien était vide quand ils l’ont repris.
Une violation de la décision de justice?
Selon la loi, un propriétaire ne peut pas se faire justice lui-même sous peine de s’exposer aux sanctions de l’article 226-4-2 du Code pénal et que cette situation ne se retourne contre lui si les squatteurs l’attaquent pour violation de domicile. Les propriétaires concernés doivent obligatoirement soit recourir à la force publique, soit déclencher la procédure administrative accélérée, soit intenter une procédure judiciaire et prouver que les squatteurs occupent les lieux illégalement et sont entrés par effraction. Les squatteurs risquent jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende et les propriétaires qui expulsent eux-mêmes les squatteurs risquent la même peine. Mais là, «les propriétaires semblent avoir fait ce qu’il fallait (au regard des éléments rapportés par la presse). Ils ont mené une procédure d’expulsion et n’ont pas fait appel à «de gros bras» ni cherché à mettre les squatteurs dehors par la force», explique Maître Valérie Moulines Denis, avocate spécialisée en droit immobilier.
Les propriétaires ont vu le logement vide et de bonne foi, ont pu penser que le squatteur avait quitté les lieux avant la fin du délai imparti, fixé au 31 mars par le Juge. «Cependant, quand il y a une décision de justice, on doit la respecter. Si un délai était accordé jusqu’au 31 mars, le propriétaire n’avait pas à toucher aux portes avant cette date sous peine que cette décision puisse se retourner contre lui», relève Maître Valérie Moulines Denis. À la question de la violation de domicile du squatteur, s’ajoute celle de la violation de la décision de justice. «Mais, cela arrive fréquemment que des locataires mauvais payeurs ou des squatteurs partent avant le délai s’ils ont trouvé un autre logement. Aussi, les modalités pratiques par lesquelles le propriétaire récupère son logement sont toujours des questions très délicates et de nombreuses précautions sont à prendre», recommande Me Valérie Moulines Denis. Malgré tout, l’avocate reste dubitative sur l’octroi de dommages et intérêts au profit des squatteurs.