Réforme de l'assurance de prêt immobilier
Plus que quelques semaines avant le début officiel d'une nouvelle ère pour les ménages
achetant leur logement à crédit. Adoptée en février , la réforme de l'assuranceemprunteur, un produit incontournable pour décrocher un prêt immobilier en France, va
entrer en vigueur à partir du 1er juin prochain.
Ladite « loi Lemoine » a été présentée par ses promoteurs comme une grande victoire pour
le pouvoir d'achat des Français. En réalité, elle oblige les assureurs à repenser en
profondeur leurs grilles tarifaires. Si bien que les prix de l'assurance proposés aux
nouveaux emprunteurs après la réforme pourraient bien souvent être plus élevés que ceux
offerts aujourd'hui. La loi n'en constitue pas moins une très bonne nouvelle pour les plus fragiles.
Débattue depuis des années, la réforme adoptée permet aux emprunteurs de changer
d'assurance de prêt à tout moment, sans avoir à se soucier de respecter une échéance
précise. Cette nouvelle règle du jeu était espérée par des défenseurs des consommateurs.
Elle était aussi ardemment promue par les courtiers et les assureurs n'ayant pas aussi une
casquette de banquier.
Agacés de voir les bancassureurs défendre bec et ongles leur dominance sur ce marché
important et réputé juteux, ces acteurs n'ont pas lésiné pour faire de la libéralisation de ce
marché une bataille pour le pouvoir d'achat.
Des milliers d'euros d'économies
Les ménages pourront faire des milliers d'euros d'économies, ont-ils promis. Et ce, en
faisant jouer plus facilement la concurrence entre assureurs plutôt qu'en se contentant de
l'assurance « maison » de la banque qui leur fait crédit.
Le gouvernement, qui s'était pourtant opposé à la « résiliation infra-annuelle » par le
passé , s'est engouffré dans la brèche à l'approche de l'élection présidentielle. « Cela
offrira aux Français un véritable gain de pouvoir d'achat », a d'ailleurs salué le ministre
délégué Jean-Baptiste Lemoyne lors de l'adoption du texte.
C'est sans compter l'autre volet de la loi, adopté à l'arraché et contre l'avis du
gouvernement. A rebours de la personnalisation des tarifs, qui va de pair avec le
renforcement de la concurrence, ce volet pourrait souvent favoriser une uniformisation et
une augmentation des prix.
A la grande satisfaction des associations défendant des personnes touchées par des
maladies telles que le cancer ou le VIH, les parlementaires, soucieux de renforcer l'égalité
entre les emprunteurs, ont en effet interdit aux banquiers et assureurs de s'enquérir de
l'état de santé de nombre de leurs clients.
Marathon administratif
Fini donc les questionnaires de santé, voire les visites médicales pour les aspirants
emprunteurs. Et impossible à l'avenir pour un assureur de tenir compte de ces
informations pour facturer son assurance plus cher aux personnes jugées plus risquées.
Les bénéficiaires de cette nouvelle règle sont ceux qui n'empruntent pas plus de
200.000 euros (400.000 euros à deux) et prévoient d'avoir remboursé leur crédit avant leur
soixantième anniversaire. Près de la moitié des prêts distribués seraient concernés, selon
certains experts.
Pour les emprunteurs en question, ce pan de la réforme a de quoi emballer. Obtenir un
crédit relève du marathon administratif. Echapper au questionnaire de santé, voire aux
analyses médicales, pourra le rendre - un peu - moins pénible.
Surtout, la fin de la sélection médicale est une bouffée d'air frais pour les personnes vivant
avec une maladie ou qui ont déjà été longuement hospitalisées. Elles n'auront plus à
redouter de payer très cher pour leur assurance de prêt.
Pour les cas les plus graves, c'est même le risque de ne pas obtenir de couverture et donc
de ne pas pouvoir acheter son logement à crédit qui s'envole.
Il en va autrement pour les emprunteurs encore jeunes et en bonne santé empruntant
200.000 euros ou moins. Beaucoup d'assureurs ne cachent pas qu'ils s'attendent, par
rapport à aujourd'hui, à une augmentation du prix des couvertures en moyenne pour le
segment de marché concerné par la fin de la sélection médicale.
Hantise des assureurs
Car leur hantise est d'assurer à l'aveugle et d'avoir à assumer le crédit de personnes
s'étant endettées en sachant pertinemment qu'elles ne pourront pas rembourser. Faute
de pouvoir se prémunir contre de tels comportements et d'évaluer leurs risques au plus
près, ils sont enclins à revoir leurs prix à la hausse. Autrement dit, les bien-portants ont de
bonnes chances de payer leur assurance plus cher au profit des plus fragiles.
Certains assureurs avancent qu'ils ne changeront pas leurs prix et que le marché va
devenir plus concurrentiel, ce qui tirera les prix vers le bas.
En tous les cas, pour ajuster leurs tarifs, les assureurs pourraient chercher à se fonder
davantage sur d'autres critères que la santé, comme l'âge, le lieu d'habitation, le
comportement (fumeur ou non). Ils pourraient aussi revoir leurs garanties, par exemple en
excluant d'office certaines maladies de leurs couvertures. Autant d'évolutions qui
pourraient créer d'autres incompréhensions, voire des sentiments d'injustice.
Ironie de l'histoire, les personnes les mieux portantes et les plus aisées - capables de
s'endetter au-delà de 200.000 euros individuellement ou 400.000 euros à deux -
pourraient, de leur côté, bénéficier à plein de la réforme. Car les assureurs pourraient plus
que jamais rivaliser pour capter ces clients et leur proposer des tarifs « sur mesure » en les
interrogeant sur leur santé.
Conscients que la réforme pourrait avoir des effets de bord, les parlementaires ont prévu
d'en mesurer les conséquences dans deux ans. Le diagnostic sera compliqué à réaliser. Et
même si la fin de la sélection médicale n'apparaissait pas aussi satisfaisante qu'espéré, il
sera difficile aux politiques de revenir sur une disposition mise en place au nom de l'égalité
et profitant aux plus fragiles.