DPE frauduleux : les cinq mesures choc du gouvernement
Le gouvernement veut frapper fort face aux diagnostics de performance énergétique — DPE — erronés, voire frauduleux. Objectif : «restaurer la confiance» alors que ces diagnostics pèsent et pèseront de plus en plus lourd sur les prix de vente ou le niveau des loyers des bien immobiliers, conditionnent l’ampleur des travaux de rénovation énergétique à réaliser mais aussi l’accès au crédit immobilier. Il convient d’ajouter à cela les factures énergétiques exorbitantes et le manque de confort qu’il y a à vivre dans des passoires thermiques. Bref, le DPE est un élément essentiel dans la décision d’acheter ou de louer. Encore faut-il que les informations qu’il contient soient justes et non manipulées.
Valérie Létard, présente ce mercredi aux représentants de la profession une batterie de mesures choc qui risquent de compliquer singulièrement la vie des diagnostiqueurs peu scrupuleux, soit parce que laxistes, soit parce que trop complaisants vis-à-vis de leurs clients — agences immobilières, vendeurs et bailleurs — ou encore carrément véreux. « Bien sûr, la très grande majorité des 10.000 diagnostiqueurs sont des professionnels compétents et de bonne foi. (…) Mais nous serons intransigeants avec les diagnostiqueurs qui ne le sont pas et nous appliquerons des sanctions avec la plus grande sévérité», avait prévenu la ministre début février. Avec ce plan de bataille essentiellement réglementaire, Valérie Létard joint les actes à la parole, en s’attaquant frontalement aux pratiques malhonnêtes de certains diagnostiqueurs.
1 - Jusqu’à deux ans d’interdiction d’exercer le métier
En cas de fraude avérée, un diagnostiqueur perdra immédiatement ses certifications — ces sésames qui lui permettent d’exercer son activité — et sera frappé d’une interdiction d’exercer le métier pouvant aller jusqu’à 2 ans, contre 6 mois maximum actuellement. Son nom sera ajouté à la liste noire des diagnostiqueurs — elle en compte actuellement 500 —, lui fermant donc les portes de tous les autres organismes de certification. Il en existe 13 au total en France.
La sévérité du gouvernement est à la mesure de la fraude. La société KRNO avait tiré la sonnette d’alarme dans une étude publiée fin 2024 et réalisée grâce à l’intelligence artificielle. Sur huit millions de DPE épluchés, 1,3 million ressort comme frauduleux parce que bénéficiant d’une étiquette énergétique surévaluée. Soit tout de même 16 % de DPE erronés ou frauduleux. Dans une autre étude de juin 2024, le Conseil d’analyse économique est beaucoup moins alarmiste, évaluant à 1,7 % la part des DPE soupçonnés d’être manipulés. Dans l’absolu, c’est peu. Mais, sachant que 4 millions de DPE sont réalisés chaque année, on arriverait à 68 000 diagnostics frauduleux par an. Ces DPE sont une bombe à retardement pour les tribunaux français.
2- La géolocalisation pour s’assurer que le diagnostiqueur s’est bien rendu sur place
Les diagnostiqueurs vont être bien plus contrôlés qu’ils ne l’étaient jusqu’à maintenant. Le gouvernement et l’Agence de la transition écologique (Ademe) qui gère l’énorme base de données des DPE — aussi appelée Observatoire des DPE — vont mettre en place un système de vérification par géolocalisation. L’enregistrement du diagnostic dans la base de données ne sera possible que si et seulement si le professionnel s’est rendu à l’adresse de réalisation du DPE. Car, parmi d’autres fraudes, il arrive que des diagnostiqueurs ne se déplacent même pas sur place, se basant sur les éléments communiqués par leurs clients pour établir la performance énergétique des biens immobiliers.
3- Des QR codes pour fiabiliser les DPE
Un QR code figurera sur tous les DPE. En le scannant, le futur acquéreur ou le futur locataire sera en mesure de vérifier que ce DPE figure bien dans la base de données de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Bien plus pratique donc que le fameux numéro Ademe écrit en tout petit sur la première page du DPE, dont l’écrasante majorité des Français ne mesure pas l’importance et que certains notaires oublient carrément de vérifier. Or, un diagnostic sans numéro Ademe n’est pas conforme. Dans l’absolu, une vente ou une location peut être annulée en pareille situation.
Un QR code sera également attribué à chaque diagnostiqueur. Il figurera sur la carte professionnelle — avec photo — que le gouvernement envisage de créer et permettra au client de s’assurer que le diagnostiqueur est bien celui qui se présente à son domicile et qu’il dispose bien de toutes les certifications professionnelles requises.
Ces deux mesures figurent dans un amendement à la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, d’ores et déjà adoptée à l’Assemblée nationale et en cours d’examen au Sénat.
Fiabiliser les DPE, c’est aussi limiter les risques de pression des clients sur les diagnostiqueurs. Ces derniers n’auront connaissance de la lettre du DPE qu’ultérieurement. Non sur place après avoir entré toutes les données.
4- Plus de contrôles sur les diagnostics réalisés, notamment grâce à l’IA
Valérie Létard propose de porter de 8 000 à 10 000 le nombre de contrôles sur pièce ou sur place réalisés par les organismes certificateurs. Concrètement, il s’agit de vérifier les DPE à partir des documents et/ou de se rendre sur site pour s’assurer que les diagnostics réalisés sont conformes à la réalité du bien immobilier. Lorsqu’il y a une erreur minime, une remarque est faite au diagnostiqueur. Lorsque l’erreur est plus conséquente, il peut lui être demandé de suivre une formation, voire de repasser sa certification.
L’intelligence artificielle va aussi permettre à l’Ademe de traquer les anomalies dans l’énorme base de données, appelée Observatoire des DPE, qu’elle gère et qui comporte les quelque 12 millions de DPE réalisés depuis juillet 2021. En lançant des requêtes, l’organisme sera en mesure de traquer les diagnostiqueurs très productifs — qui bâclent donc leurs diagnostics —, les diagnostiqueurs à l’origine de DPE ayant de meilleures étiquettes que la moyenne régionale, les anomalies diverses — un diagnostic réalisé à Lille et un autre à Marseille le même jour, etc.
Les organismes de certification et de formation vont aussi faire l’objet d’un suivi plus attentif. Objectif : s’assurer que ces sociétés accréditées respectent bien leurs obligations. Certains diagnostiqueurs estiment qu’elles sont parfois en proie à des conflits d’intérêts.
5- Un cursus post-bac et un ordre des diagnostiqueurs à l’étude pour professionnaliser le secteur
Le métier de diagnostiqueur est très récent. Il n’a qu’une vingtaine d’années. Le gouvernement souhaite le professionnaliser en lançant des cursus post-bac dédiés à ce métier, bref des formations initiales dédiées. Ce serait un véritable changement par rapport à la situation actuelle. Aujourd’hui, le métier est ouvert aux professionnels du bâtiment disposant au minimum d’un bac +2 et justifiant d’une expérience professionnelle. Pour obtenir la certification DPE, ils doivent suivre une formation 7 à 11 jours seulement avant de passer l’examen.
Une mission va aussi être lancée pour réfléchir à la création d’un ordre des diagnostiqueurs comme il en existe pour les avocats, les médecins ou les notaires. Chaque professionnel devrait répondre de ses actes devant de cet ordre chargé de fixer le code de déontologie de la profession.